L’étudiant Libre : La réaction de Jean-Frédéric Poisson – Au lendemain des élections européennes, Jean-Frédéric Poisson a accepté de revenir sur les résultats pour l’Étudiant Libre. 


Suite à ces élections, une alliance de droite semble inévitable pour gagner en 2022. Cette perspective vous réjouit-elle ?


Oui sans aucun doute. J’observe que ceux qui n’étaient pas encore convaincus ont maintenant toutes les raisons de l’être. Dans ce sens, oui on peut se réjouir que cette évolution soit une des conséquences du bulletin d’hier. Maintenant le scrutin d’hier démontre également que tous les leaders de droite n’ont pas compris la nécessité de ce rassemblement. Non pas pour se rassembler, car se rassembler pour se rassembler n’est pas un projet politique ; en revanche élaborer ensemble un projet dans lequel les valeurs traditionnelles ont toutes leurs places. Là ça a du sens. Et si effectivement je suis à peu près convaincu que le résultat d’hier va convaincre à son tour tous les acteurs que l’union la plus large est possible, je ne suis pas certain que tous les acteurs souhaitent que toutes les droites soient présentes dans cette union. L’avenir nous le dira. 


Le PCD n’a pas présenté de liste. Quel rôle compte-t’il jouer dans la recomposition de la droite ?


Nous n’avons pas présenté de liste ni de candidats. De ce fait, nous sommes à peu près les seuls à avoir échappé à la Berezina presque générale. Nous sortons intact de ce scrutin. Nos idées n’ont pas été amochées, ni portées de travers donc sous ce rapport c’est très bien. Le rôle que nous voulons jouer est notre ambition collective ; c’est être un des fers de lance de la construction de ce projet politique. L’ambition du PCD n’est pas de réunir les droites pour réunir les droites. L’objectif est de construire un projet de gouvernement qui rassemble le plus largement possible, y compris une majeure partie des électeurs de droite. Je me contre-fiche totalement des formations politiques, mais je m’intéresse beaucoup à la volonté des Français. Un certain nombre de personnes ont travaillé à l’union des partis et des chefs de partis. Moi je vais travailler pour convaincre nos concitoyens du bien fondé d’un certain nombre de nos convictions. Voilà notre rôle. Nous dirons son importance dans les mois à venir et l’impact que nous constaterons ou non auprès des Français. En tout cas, le PCD et son président sont tout à fait déterminés à travailler dans le sens que je viens d’évoquer.


Le bloc des électeurs de droite atteint à peine les 35%, est-ce inquiétant ?


Oui et non, c’est un score historiquement bas premièrement. Deuxièmement, tout dépend de ce que vous mettez dans les droites. En effet, à n’en pas douter, la ligne claire, dans une certaine mesure, et la ligne de monsieur Asselineau sont des listes de droite et cela fait sans doute deux ou trois points de plus. Deuxièmement, il n’y a pas tout à fait trois tiers dans la vie politique française. On pourrait dire qu’il y a un bloc néo-libéral qui s’est placé au centre de l’échiquier politique, dominé par la République En Marche ; un bloc de gauche totalement éclaté mais qui est encore présent ; et un bloc de droite. Cela fait donc trois tiers. Ça veut dire que personne ne part perdant, mais aussi que personne ne peut prétendre à lui seul réunir les 50% plus une voix nécessaires à une victoire à l’élection présidentielle. Que je sache, nous sommes encore sous le régime de la Vème République dans lequel ,pour être élu, il faut obtenir la moitié des électeurs plus un. Aujourd’hui la présence des trois blocs presque à égalité ne permet pas de dégager un seul de ces blocs sans mécanisme d’alliance. Ceci étant dit, il reste un Français sur deux qui n’est pas allé voter dimanche. Il ne faut pas oublier ces 22 millions d’électeurs qui ne se sont pas déplacés. Ce n’est quand même pas rien. On ne sait ni ce qu’ils pensent ni ce qu’ils veulent. Traditionnellement, le scrutin européen est un scrutin de forte abstention. Même si la participation est bien meilleure que dans les scrutins précédents, il y a quand-même un Français sur deux qui n’a rien dit. Donc je pense que rien n’est écrit, même si les résultats sont ce qu’ils sont et que les très hauts scores du RN et de LREM sont réels et qu’il ne s’agit pas de les nier. Il faut leurs redonner l’importance qu’ils ont, c’est-à-dire celle d’un contexte où un Français sur deux n’est pas venu. Il y a encore beaucoup de travail et une très belle opportunité pour un projet de redressement de la France fondé sur des valeurs traditionnelles qui peut séduire une grande partie de l’électorat. 


Les Amoureux de la France n’ont finalement même pas atteint les 5%. Pensez-vous qu’avec le PCD cette liste aurait pu faire mieux ?


Oui je l’ai pensé tout du long. Après les résultats de dimanche, j’ai continué à le penser car je crois que c’est exactement l’attente d’une grande partie de nos sympathisants. J’observe que, quand les AMD étaient en campagne, les salles étaient pleines ; pour DLF, les salles se sont vidées ; quand les AMD étaient en pleine dynamique, les sondages étaient à 8% ; avec DLF, le résultat est à 3,8%. Par conséquent, personne ne peut vraiment y arriver seul. Malheureusement, NDA a fait le choix qu’il a fait avec les conséquences que chacun peut voir. 


L’électorat catholique a beaucoup voté pour la liste « Renaissance » (LREM), comment récupérer les électeurs catholiques ?


Il faut comprendre leurs motivations. Parmi elles, il y a celles des catholiques français, eux qui ont œuvré de façon très énergique à la construction de l’Europe, qui ont souvent du mal avec le discours qui met en cause la construction de l’Union Européenne. C’est un premier motif.Deuxièmement il faut demander aux catholiques d’ouvrir les yeux et de regarder le projet politique d’Emmanuel Macron qui est absolument l’inverse du projet social que l’Église invite ses fidèles à porter, je veux dire par là que quand on s’apprête à légiférer sur la PMA pour tous, sur la GPA et pourquoi pas sur l’euthanasie, quand on s’attaque à la doctrine sociale de l’Église, quand on rabote le pouvoir d’achat des familles contre là encore la conception chrétienne de l’organisation sociale, qui repose d’abord sur la structure familiale, je considère qu’il y a un éloignement entre le projet politique et l’action politique du président de la République et la pensée sociale chrétienne. De deux choses l’une : soit les 37% de catholiques qui ont voté Emmanuel Macron considèrent que la pensée sociale chrétienne est une option parmi d’autres et s’en affranchissent comme ils veulent (mais ce n’est pas pour moi l’attitude qu’ils devraient adopter), soit ils font des arbitrages qui consistent à dire que dans le contexte politique dans lequel ils se trouvent, à tout prendre il vaut mieux voter pour EM. Je pense et j’espère que majoritairement nous sommes dans la deuxième hypothèse, et que la présentation à ces fidèles catholiques français qui ont choisi le projet de Nathalie Loiseau comme un projet plus équilibré que celui du RN et moins ambigu que celui des Républicains, les fera changer d’avis dans les échéances qui viennent. 


Les jeunes ont beaucoup voté EELV. La droite doit-elle s’emparer de la question écologique ? 


Dans une large mesure elle l‘a fait. La droite n’est pas simplement les gens qu’on voit sur les plateaux de télévision. Ce sont les élus locaux qui, tous les jours, défendent leur territoire, essayent de limiter les gaz à effet de serre, protègent les espaces forestiers, protègent les cours d’eau, mettent en place le tri sélectif et bien d’autres choses. Tous les élus ont fait cela, et ceux de droite considèrent que c’est normal, ils n’en font pas un fer de lance politique. Si tous les élus de France et de Navarre mettaient en avant ce qu’ils ont fait pour l’environnement, je pense qu’on serait dans une autre situation. Il va falloir apprendre à communiquer davantage sur ce sujet. Malgré tout, il y a dans la jeune génération une aspiration à ce que la nature soit respectée.L’écologie est déjà une structuration politique qui porte une vision des rapports entre la nature et l’Homme. Je ne suis pas écologiste, je suis pour le respect de la nature ; c’est assez différent, même si par ailleurs je peux rejoindre certaines convictions des écologistes. Je crois que le respect de la nature doit devenir le socle de tous les programme politiques. Mais cela commence par le respect de la nature humaine et donc de la vie humaine. Je fais partie de ces « écologistes » qui considèrent que si on n’a pas le droit de couper un arbre, on n’a pas le droit de mettre fin à la vie de quelqu’un. C’est la première écologie, celle du respect de tous les êtres vivants, humains compris. Deuxièmement, il y a au-delà de cette aspiration des jeunes à la protection de la nature, un rapport différent à a consommation des ressources. Il y a dans la génération qui vient une attention particulière portée à la contention comme une vertu, en ce qui concerne la consommation des ressources naturelles par exemple. Nous devons y être attentif et permettre aux jeunes d’y répondre. Je crois que cela explique en partie le vote massif des jeunes pour l’écologie.


Propos recueillis par Paul Guerry et Stanislas Rigault

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