Tribune de Jean-Frédéric Poisson pour Amitié Politique : Reconstruire notre modèle de civilisation

Deux idéologies mettent en péril notre anthropologie commune. Leur point commun est qu’elles combattent et rejettent les principes de notre organisation sociale.

La première relève de la déconstruction des bases de nos démocraties modernes : celle de la famille constituée d’un homme et d’une femme au profit de la promotion de modèles alternatifs rejetant l’altérité fondatrice ; celle de l’identité sexuelle des personnes au profit d’une identité de genre qui serait choisie arbitrairement et sans ancrage dans le réel ; celle du savoir traditionnel jugé trop élitiste et d’une culture commune fondatrice par une école qui entend laisser à chacun le droit de s’inventer dans le multiculturalisme ; celle de la cohésion nationale au profit de l’exacerbation des minorités en tout genre qui revendiquent le droit de se constituer en communautés identitaires ; celle du bien commun pour un vivre-ensemble dénué de sens qui n’est plus qu’un équilibre précaire des rapports de force entre communautés et groupes de pression ; celle de la prospérité partagée au profit d’une croissance regardée sous le seul angle quantitatif ; celle du travail personnel remplacé par l’emploi, ce qui revient à substituer l’activité anonyme à la réalisation personnelle ; celle du dialogue social, changé en un ensemble de procédures censées organiser les conversations plutôt que régler les difficultés.

Si nous continuons dans cette direction, l’effondrement de nos liens sociaux est assuré : se profile à terme le règne sans partage de ceux qui sont « de nulle part » et à qui l’argent, les privilèges du pouvoir et une amoralité cynique, donnent les moyens de tirer leur épingle du jeu. Et ceux qui sont « de quelque part », de plus en plus déracinés et abandonnés à leur triste sort, finiront par ne plus voir d’issue que dans la révolte. Le cycle infernal des répressions, déjà enclenché d’ailleurs, en sera la conséquence : et on sait à quelle impasse elles nous conduisent.

La seconde provient de l’islam, plus précisément de l’installation, sur des pans entiers du territoire européen, d’un modèle de contre-société reposant sur la charia. Or celle-ci est incompatible avec notre culture européenne et notre vision de l’homme, qu’il s’agisse de notre vision de la personne humaine, de la distinction entre le politique et le religieux, de la liberté de conscience et de religion ou encore de la dignité et de l’égalité universelles.

Le phénomène a pris une telle ampleur que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a rappelé, le 22 janvier dernier, que la charia est incompatible avec nos traités fondamentaux. Elle déplore notamment l’existence de poches musulmanes en divers pays européens où sont en train de se constituer des enclaves qui échappent à nos principes fondamentaux. C’est le cas dans le nord-est de la Grèce, où la charia reste appliquée et où « les muftis continuent à exercer des fonctions judiciaires sans garanties procédurales satisfaisantes… [tandis que] les femmes sont clairement désavantagées dans les procédures de divorce et de succession, deux domaines de compétence des muftis » ; de même au Royaume-Uni avec les « activités « judiciaires » des « conseils de la charia »», juridictions officieuses et parallèles que les autorités britanniques tolèrent et qui rendent des décisions s’imposant aux membres de la communauté musulmane « souvent sous l’effet d’une très forte pression sociale » et « principalement dans les questions liées au mariage et les procédures de divorce islamique, mais également en matière de succession et de contrats commerciaux islamiques ».

Cette menace ne concerne pas uniquement nos voisins. En France, on compte de plus en plus de poches que l’on ne devrait plus appeler des « zones de non-droit » puisqu’une loi y règne en fait, et ce n’est pas la loi française : chacun connaît ces zones où la loi et la culture françaises sont progressivement remplacées par la loi islamique, sous la pression migratoire et par la force du  communautarisme. Dans mon ouvrage L’islam à la conquête de l’Occident (Éditions du Rocher), j’évoque la « Stratégie de l’action culturelle islamique à l’extérieur du monde islamique » adoptée en 2000 par l’ISESCO (Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture), l’équivalent de l’UNESCO pour les pays musulmans. Il s’agit d’un véritable plan destiné d’une part à lutter contre la société et la culture occidentales, considérées comme pervers et irréligieux pour en préserver les musulmans, d’autre part de donner à ceux-ci de construire, dans nos pays, une « société islamique saine et pure » par l’instauration d’une « civilisation de substitution ».

Devant ces deux menaces, il est fondamental de redonner du sens et un vrai fondement à notre société. Nous l’avons tenté naguère en voulant inscrire au frontispice des traités européens la référence à nos racines chrétiennes. On sait ce qu’il en est advenu, par la trahison de ceux dont le devoir était de protéger notre civilisation européenne. Aujourd’hui l’urgence est encore plus grande et appelle une refondation de cette civilisation sur ses valeurs propres : aurons-nous la force d’âme suffisante pour ressaisir les fondements mêmes de notre identité et lui redonner vie ? C’est là l’enjeu principal des prochaines échéances électorales et c’est tout le sens de mon combat.

Jean-Frédéric Poisson

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