Tribune de Jean-Frédéric Poisson dans Valeurs Actuelles : Pourquoi “ l’union des droites ” est-elle une question sans importance ?

Au lendemain des élections européennes, certains prônent l’“union des droites”  mais l’élaboration d’un nouveau projet politique clair et partagé doit la devancer selon le président du PCD

Ça y est. Ça recommence. Quelques minutes à peine après l’annonce des résultats des élections européennes, les tubes post-campagne électorale du « nouveau monde » colonisent les ondes… Les uns jurent que cette fois c’en est enfin fini des conservateurs. Les autres expliquent qu’on ne peut pas faire une France de « progrès » sur de la base du défunt clivage « gauche-droite ». Les troisièmes vantent les mérites de cette très vieille arlésienne politique qu’est « l’union des droites ». Ces trois pistes sont vouées à l’échec. La première a tort de tourner le dos au rôle essentiel des formations politiques dites « de gouvernement » dans les grandes démocraties : porter le message conservateur, faute de quoi elles ne servent à rien. La deuxième oublie que, si le clivage droite-gauche n’est plus le seul à structurer notre vie politique, il n’a pas pour autant disparu : il se superpose désormais au clivage « patriotes-mondialistes » qu’on considère trop vite comme la seule opposition qui vaille. La troisième n’est pas assez ambitieuse, pas assez refondatrice, une profonde mutation des formations politiques de droite elles-mêmes devant être opérée avant même d’envisager s’unir.

Il fut un temps où « être de droite » allait de soi. Ça voulait dire, pour reprendre l’analyse d’un sociologue français, défendre l’ordre public, la responsabilité individuelle, et une dose variable de morale judéo-chrétienne dépendant de l’état de l’opinion, et du courage des responsables politiques. On supposait que l’indépendance de la France, le souci de la cohésion sociale, la stabilité des institutions étaient des éléments acquis de notre vie sociale et garantis sur le temps long (certes, on négligeait le respect de la nature au nom de la productivité économique, mais on se consolait en voyant les élus ruraux « droitiers »  protéger énergiquement leur paysage – et c’était censé suffire). On ne se préoccupait donc plus de les penser, de les vérifier, ni de les adapter ou les compléter. Le seul problème était de savoir quel chef se choisir. Au fond, le projet politique de la droite trouverait sa légitimité dans l’autorité de son chef, chargé d’en faire le projet du peuple.

« Être de gauche », c’était l’inverse. Soucieuse d’épouser par son projet politique le cours de l’histoire, la gauche s’évertuait, de congrès en congrès, à penser l’état de la société, envisager ses évolutions, pour mieux ajuster les moyens de son action, se rêvant acteur du progrès accompagnant l’évolution des sociétés. On discutait donc beaucoup. On débattait, se motionnait, s’entredéchirait. Puis on se jaugeait. Et on se rabibochait… Bref, on élaborait un projet à partir duquel on désignait alors, et seulement alors, non pas tout à fait le chef, mais le meilleur rassembleur possible. Ainsi le projet politique de la gauche serait légitime du fait qu’il serait celui du peuple, parce qu’il serait celui de l’époque : un projet « moderne », revêtu de la seule autorité de l’histoire.

Visiblement cet aspect du clivage « droite-gauche » n’a pas tout à fait disparu. De sorte qu’à la sortie des élections européennes, confirmant le grand chamboulement des repères politiques, l’irrésistible tropisme de la recherche du « chef » frappe de nouveau et de plus belle l’électorat de droite, presque inexorablement. « L’union des droites » est réclamée ces jours-ci, en omettant ceci : s’il y a quelque chose à faire c’est de convaincre les responsables de la droite, ou supposés tels, qu’ils doivent commencer par être un peu plus inspirés par cette méthode gauchère ! Et de leur rappeler qu’ils seront définitivement dissous dans le néo-libéralisme, s’ils n’acceptent pas de renouer avec les fondamentaux qu’ils ont peu à peu abandonnés.

En attendant qu’ils se décident – et ça pourrait prendre un certain temps –  il nous appartient de définir un projet politique plutôt d’emboîter le pas d’un leader dont les intentions seraient supposées bonnes ; de constituer, avec une méthode de gauche, un projet politique de droite. Et non un projet politique trop souvent gaucher avec une méthode de droite – c’est la trajectoire du RN, ni un projet politique faussement droitier avec une méthode de gauche – c’est la gravitation qui s’exerce sur LR.

Il est donc beaucoup trop tôt, par conséquent inutile voire dangereux, d’appeler aujourd’hui à une « union des droites » qui ne serait qu’un artifice et conduirait à un échec de plus. L’heure est à l’élaboration, concertée, le plus largement possible, d’un projet politique résolument ancré dans l’indépendance nationale, la stabilité des institutions, le respect de la nature, et la cohésion sociale. Il sera toujours temps ensuite de désigner la personne la mieux à-même de le porter. Telle est ma conviction. Ces derniers jours le montrent : toute autre démarche provoque le trouble, le désordre, et, à très court terme, la démobilisation d’innombrables bonnes volontés qui n’attendent que le moment de se rassembler autour de projets clairs et partagés. Dont je serai.

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